Chronique asymptotique

MAF ... dernière minute 001

 

Bon, il faut que je vous avoue un truc (encore un!…). malgré tous mes grands discours sur notre faculté féminine à l’anticipation, il y a en moi un facteur intrinsèque qui m’empêche définitivement d’atteindre l’idéal d’organisation vers lequel je tends (telle une courbe tendant désespérement vers une droite en s’en rapprochant toujours plus mais sans jamais la toucher – d’où l’asymptote, d’où le titre, parce que ça faisait longtemps que je ne vous avais pas assommés à grands coups de mots savants), il n’y a rien à faire, c’est plus fort que moi: je fais tout à la dernière minute… Si mes journées ont toutes le rythme effréné d’un sprint final, j’en suis donc la seule responsable. 

Ça commence dès le matin. Je sais que j’ai une marge de manoeuvre confortable si je me lève et me douche avant 7h, et que je réveille la triplette dans le quart d’heure qui suit. Elles ont alors toutes le temps d’émerger, d’ingurgiter et de digérer leur ½ litre de lait, de reprendre trois fois des céréales, de chanter devant la glace, de jouer à cache-cache avec les chaussettes, voire même de finir un bouquin sous la couette. MAIS, quand le radio-réveil sonne, j’entends au loin, au fort fort lointain, s’égréner les minutes et les infos, en appréciant la perfection de l’épaisseur de mon duvet et celle du creux de l’oreiller sous ma nuque – qui ne sont tous deux jamais aussi parfaits qu’à l’heure où l’on doit les quitter – et je me dis que j’ai prévu large, hyper large: il n’y a qu’une minute de voiture séparant la maison de l’école, je peux donc tout à fait y être à 8h20 en me levant à 8h15, je n’aurais qu’à sauter dans mon jean et puis c’est tout. Ce n’est qu’après avoir refait le trajet à l’envers, visualisé les embouteillages sur la Nationale, m’être rappelée qu’il faudrait quand même que je me lave les cheveux, ce serait mieux, et que ah oui, au fait j’ai trois filles à lever, nourrir et habiller, que je me décide enfin à sortir du lit… et là, il faut optimiser! Chaque minute en vaut trois, les Choupettes n’ont pas le droit de traîner, je les bouscule, je m’énerve, elles boudent, je crie, bref, la journée commence bien.

Et ça continue toute la journée. Au goûter, je pourrais quitter la maison à 16h15, attendre tranquillement au carrefour qu’une voiture me laisse passer, choisir ma place sur le parking de l’école, profiter, avant l’ouverture de la grille, de quelques minutes de jeux avec une N°3 d’humeur radieuse… MAIS, comme j’ai généralement entamé un chantier dans la demi-heure précédente, je réveille N°3 à 16h25 pour la coller, changée, habillée, mais hystérique, dans la voiture à 16h29, forcer le passage pour traverser la Nationale, récolter une moisson d’insultes klaxophoniques, me garer au frein à main en travers de la pelouse qui longe l’école et trouver la bouille penaude de N°2 assise toute seule sur son banc alors que toutes ses copines sont déjà parties…

Et ça fait des années que ça dure. A l’école, au lycée, au boulot, je n’ai jamais su réviser mes leçons, préparer un devoir ou un dossier des semaines à l’avance. Je finissais toujours par m’y coller la veille des échéances et travailler jusqu’aux lueurs du petit matin. Comme si mon corps et mon cerveau s’étaient persuadés que je n’étais efficace que sous la pression, comme s’ils pensaient que l’urgence réclamait le meilleur de moi. Et ce n’est pas tout à fait faux, mon esprit a en effet tendance à s’éclaircir quand il aperçoit la ligne d’arrivée – ou alors il a carrément sombré et je suis déjà sur mes feuilles en train de ronfler. Parfois donc, ça passe et me conforte dans cette tendance… Mais souvent ça casse, car je m’expose toute entière à la très ironique Loi de Murphy, dite également Loi de l’emmerdement maximum, car à flux tendu, c’est rarement un seul grain de sable qui vient enrayer la mécanique un peu rouillée, mais une brouette entière…

Il paraît qu’on ne se refait pas, je ne désespère pas cependant de m’améliorer… Promis, aujourd’hui, je pars pour l’école à 16h15… ça me laisse plus d’une heure et quart pour biner, désherber et retrourner la terre de nos 50 m2 de jardin… je suis large, hyper large…

 

Malgré le fait qu’elle ne soit pas du tout sujette au même travers, Odré gère et accepte toujours mes demandes de dernière minute…

6 thoughts on “Chronique asymptotique

  1. Ah ah ah, mais LA MEME. J’ai fait ma thèse en 3 semaines, les 3 dernières avant l’échéance. Mon promoteur a cru mourir. Si je ne suis pas sous pression, je trouve toujours un autre truc à faire entre deux…
    Ceci dit, je travaille énormément là dessus (aka une fois de temps en temps je suis en avance quelque part parce que je n’ai pas décidé d’étendre une machine en moins d’1min30) et je te jure que c’est assez jouissif et relaxant.

    • Et tellement apaisant j’imagine, une petite parenthèse de détente dans une journée de fou… je crois que le pire, c’est qu’on connait la solution, encore faut-il réussir à l’appliquer… bravo d’y arriver!

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